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Collège Champittet
19 June, 2020

La maîtrise de la langue au service de la pensée libre

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La maîtrise de la langue au service de la pensée libre De plus, si la langue évolue constamment sous l’effet des pratiques collectives - ou si elle est parfois artificiellement mue par les fantaisies de l’Académie française...- elle ne sollicite pas, du moins pas tout de suite, l’originalité individuelle des élèves et leur créativité propre : son étude perd ainsi tout attrait et se résume à un acte de mémorisation qui n’a plus bonne presse dans la pédagogie contemporaine.

Acquérir des compétences en matière d’orthographe et de syntaxe est une activité peu prisée des élèves en général : les règles qu’il s’agit d’appliquer reposent sur des fondements souvent oubliés, elles sont perçues comme fastidieuses et arbitraires – ce qu’elles sont tout de même à certains égards, il faut bien l’admettre -  et elles comportent à leurs yeux un intérêt limité eu égard aux trésors de connaissances que peuvent leur offrir d’autres matières du programme.   

De plus, si la langue évolue constamment sous l’effet des pratiques collectives - ou si elle est parfois artificiellement mue par les fantaisies de l’Académie française...- elle ne sollicite pas, du moins pas tout de suite, l’originalité individuelle des élèves et leur créativité propre : son étude perd ainsi tout attrait et se résume à un acte de mémorisation qui n’a plus bonne presse dans la pédagogie contemporaine.    

Et pourtant, les enjeux liés à cette compétence sont majeurs : maîtriser les codes d’une communauté linguistique, c’est tout d’abord s’insérer dans une culture, ce qui en soi est déjà tout un programme. Rigoureusement appliqués, ces codes sont la condition sine qua non d’une pensée intelligible pour tous, et en premier lieu pour soi. La pauvreté des ressources linguistiques  (qu’elles soient grammaticales ou lexicales) entraîne nécessairement l’indigence de la pensée en raison du lien indéfectible qu’entretient cette dernière avec la langue. L’inverse n’est toutefois pas vrai: il faut se méfier des beaux parleurs et la pensée est bien autre chose que des paroles soigneusement déroulées.  

La langue doit donc être rigoureusement articulée et sa maîtrise consolidée aussi vite que possible si l’on veut que la pensée  puisse trouver la voie de l’autonomie dans l’univers toujours plus complexe du savoir.  Pour cette raison il y a urgence à transmettre au plus tôt aux élèves, c’est-à-dire dès leur plus jeune âge, l’outil linguistique, de manière certes attractive autant que faire se peut, mais surtout parfaitement rigoureuse. Défendre une vision pédagogique qui prône le primat de la maîtrise technique de la langue sur la rédaction libre et décomplexée est une gageure dans une société peu encline aux efforts de longue durée (car c’en est un),  avide de résultats immédiats et d’expression sans contrainte. 

Le défi pédagogique majeur que les enseignants de français doivent relever chaque jour se résume donc ainsi:  réhabiliter cette rigueur dans l’étude de la langue, au nom de la liberté de pensée.  

La rigueur de la règle au service de la liberté ? Voilà un paradoxe qui mérite réflexion.     
    
Sylvie Caputo
Cheffe de file de français secondaire I et II
Juin 2020