écrit par
Collège Champittet
23 février, 2023

Le Grand Débat de l’apprentissage : contenu ou méthode ?

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Le Grand Débat de l’apprentissage : contenu ou méthode ? J’ai le privilège de pouvoir observer chaque jour l’application en classe des théories éducatives et pédagogiques, à mesure qu’elles évoluent. En simplifiant, disons que coexistent deux visions de l’acquisition des savoirs à l’école. 1

J’ai le privilège de pouvoir observer chaque jour l’application en classe des théories éducatives et pédagogiques, à mesure qu’elles évoluent. En simplifiant, disons que coexistent deux visions de l’acquisition des savoirs à l’école.

D’une part, dans la tradition de Jean-Jacques Rousseau, ceux qui pensent que l’être humain est intrinsèquement bon et curieux, et que seule la mauvaise ordonnance de la société peut le corrompre. L’humain exerce spontanément sa liberté pour apprendre et faire le bien. Poussée à son paroxysme, cette vision laisse l’élève choisir ce qu’il/elle veut apprendre et en acquérir les connaissances par lui/elle-même, l’enseignant devenant un accompagnateur, un coach. La méthode est plus importante que le contenu.

L’autre vision, largement dominante dans le monde éducatif classique, pose un cadre et une relation maître-élève où les savoirs sont transmis par un/e expert/e. Il y a plus d’emphase sur la mémorisation.

Vous l’aurez deviné, mon expérience empirique me montre que ni l’une ni l’autre vision ne permet d’englober toute la complexité de la vie et de l’apprentissage des élèves. Il faut renoncer à penser la personnalité humaine comme univoque. Nous avons plusieurs « couches » de personnalité, fruit de notre code génétique, de l’amour parental vécu au plus jeune âge, et de nos expériences sociales plus tard. Le meilleur côtoie le pire chez la même personne. L’un ou l’autre peut être « activé » selon les conditions.

L’approche pédagogique doit donc s’adapter à cette complexité humaine. A mon avis, la pose d’un cadre est nécessaire à l’élève, qui en a besoin même s’il/elle le conteste parfois. Chaque enfant aspire à maximiser sa liberté, mais il faut lui apprendre que la liberté, au sens scolaire, n’est pas un droit absolu, mais se mérite par le développement de soi et de ses capacités. Oui, par l’effort, cette notion consubstantielle du progrès humain qui semble bizarrement peu à la mode dans notre société accro aux plaisirs narcissiques.

L’enseignement des contenus fournit une carte mentale à l’élève. Il serait trop dur autrement de vouloir faire soi-même l’acquisition de tous les avoirs du monde. Apprendre sans professeur génère une perte de temps considérable et inutile. J’ai constaté l’épuisement d’élève à qui on demandait de proposer ses thèmes de recherches, de planifier ses travaux, de chercher les contenus, puis les structurer. La transmission est bien plus efficace.

Nos plus grands artistes et nos meilleurs scientifiques ont toutes et tous débuté en réapprenant les travaux de leurs prédécesseurs, dans un premier temps, avant de créer et d’innover dans un deuxième temps. La copie et la revisite des grands penseurs du passé permet de cheminer dans des pensées complexes pour mieux accoucher de son propre accomplissement.

Ceci dit, il ne peut y avoir de motivation à apprendre sans lien avec le monde réel ou avec ses propres aspirations. L’enseignement devient personnalisé. On encourage l’élève à se connaître, on explore ses affinités naturelles pour l’encourager à s’approprier son éducation. Il suffit parfois de donner confiance en soi et joie d’apprendre sur un seul sujet pour créer un cercle vertueux qui s’étend ensuite aux autres matières. L’élève devient progressivement plus autonome. C’est l’approche dite de l’amorce. L’élève est toutefois appelé/ée à atteindre les mêmes standards de maîtrise que les générations précédentes.

Contrairement à des pensées courantes, j’estime les élèves contemporains plus capables que les anciens : tout ne fout pas le camp, au contraire. Les sciences cognitives, les approches pédagogiques et les sources du savoir ont tellement évolué que nos enfants actuels sont plus capables d’apprendre que nous.