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Souvent vient à l’esprit quand on entend parler de baroque, l’image d’angelots joufflus voletant autour de statues de saints en stuc dans des édifices religieux datant du XVIIe siècle. Le baroque, tel qu’enseigné dans les académies, reste à jamais l’exemple type du mauvais goût face à l’élégance et la pureté du classicisme.
Est-ce aussi simple ? Un acrostiche célèbre à la scène 3 de l’acte II d’Horace laisse imaginer que Corneille se distancie de son personnage éponyme quand celui-ci défend l’abandon de tout sentiment face au devoir d’Etat. Déjà, dans Le Cid, Corneille bravait les règles de l’Académie, comme si, provenant du baroque où il avait montré toute sa virtuosité avec L’Illusion comique, il ne pouvait se résoudre à enfermer la vie dans un cadre convenu et normalisé à l’extrême. Dans le théâtre baroque, on est plus près de Shakespeare et se mêlent comique et souvent farce, tragique et spectaculaire, mystère voire fantastique, amour et mort. Des « machineries » complexes (on dirait aujourd’hui des effets spéciaux) fascinent les spectateurs et l’objectif n’est pas d’être réaliste mais d’instruire en divertissant.
En musique, il en va de même. Après des dizaines d’années d’assimilation instrumentale et d’interprétations réductrices, des musiciens passionnés d’anciens instruments ont redécouvert le style baroque et lui ont rendu son énergie, sa vitalité. Karajan était un très grand chef d’orchestre mais quelle différence entre son interprétation des Quatre Saisons de Vivaldi et celle de Fabio Biondi et de son ensemble Europa galante ou du Concerto Köln !
L’existence n’est pas un long fleuve tranquille et ce serait une erreur grave de conséquences que de chercher à canaliser toutes les énergies qui s’y rencontrent. Dans son ouvrage sur la glaciation de la pensée, paru au milieu des années 80, Jean-Paul Aron dénonçait les « modernes » comme de nouvelles « précieuses » (ridicules) de notre temps. Si nous aimons la vie et ses turbulences, soyons baroques et ne nous laissons pas séduire par les sirènes d’un néo-classicisme qui sous couvert de nouveauté et de progrès reprend les bonnes vieilles méthodes de l’académisme pour contrôler et censurer ce qui sort d’un cadre uniforme. Une telle approche est mortifère.
Vivre, c’est vibrer, c’est s’indigner, c’est suivre son élan, c’est ne jamais renoncer à goûter l’intensité de l’instant. Vivre, c’est refuser l’immobilité des statues et la stérilité de ces discours à la mode qui en changeant parfois profondément le sens des mots cherchent à imposer une pensée unique alors que la vie, c’est la diversité. Cela, les baroques l’avaient compris.
Roland Lomenech
Directeur Académique
Au Collège Champittet, nous sommes engagés dans l’excellence. Et ce, depuis plus de 120 ans. Notre objectif reste inchangé depuis l’ouverture de nos portes en 1903 : former des générations de grands penseurs, leaders, créateurs et acteurs de changement.
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