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Collège Champittet
05 April, 2019

« Adolescere » : grandir vers, mais vers quoi ?

grandir
« Adolescere » : grandir vers, mais vers quoi ? Face au besoin de l'immédiateté et de l'hyper-connectivité courante, la société dans son ensemble est dans une quête identitaire. Une grande majorité de jeunes et d’adultes partagent l'attention au corps, la recherche d'un sens, la remise en question des relations affectives et spirituelles, l'angoisse d'un lendemain sans horizon, la peur de grandir, de vieillir, et de mourir.

Face au besoin de l'immédiateté et de l'hyper-connectivité courante, la société dans son ensemble est dans une quête identitaire. Une grande majorité de jeunes et d’adultes partagent l'attention au corps, la recherche d'un sens, la remise en question des relations affectives et spirituelles, l'angoisse d'un lendemain sans horizon, la peur de grandir, de vieillir, et de mourir. Le sentiment d'appartenance familial et communautaire a cédé la place à une quête de progrès individuel et de développement personnel. Cependant, la construction identitaire prend des proportions majeures durant l'adolescence, d'où l'importance d'une écoute approfondie de la part de l'adulte accompagnant. En effet, il est très difficile de maintenir l’unité et la continuité du sentiment d’identité dans le temps. L’adolescent est en recherche de modèles d'identification qui l’aident à traverser la transition entre l’enfance et la maturité, ce qui l’emmène à se tourner vers une pléthore de modèles virtuels qui s'avèrent finalement très éphémères. Il ne se sent plus lui-même qu’après de nombreuses expériences lui permettant d’arriver à un sentiment d’unité interne. Par conséquent, une identité biaisée ou soufferte peut engendrer plusieurs penchants vers l'autodestruction. Des troubles alimentaires, un état d’anxiété prononcé ainsi que l’utilisation des substances illicites forment un risque réel et à portée de main.  

Les adolescents sont dans l'ici et maintenant et peu arrivent à se projeter sur le long-terme. De par sa nature, l'adolescence est un processus de maturation et non un état statique. 

Adolescere du latin grandir vers, mais vers quoi? 

Un fort décalage fait son apparition entre l'enfant à la traîne et la simulation des adultes. L'identité est ce qui caractérise le moi profond qui est consolidé par une estime de soi positive et résiliente. Une contradiction s'installe entre le désir d'autonomie et un lien maintenu et appuyé avec les parents. Dans l'esprit des jeunes, l'adieu à l'enfance est accompagné par une peur de l'inconnu. Ce processus les rend plus vulnérables à prendre une décision adéquate lorsqu'ils sont confrontés à des situations hautement stimulantes émotionnellement. D'où leur penchant à adopter des comportements à risque. 

La fin de ce processus est tributaire d'une maturation psychique conditionnée par un cadre social et culturel. Par conséquent, plus la société est complexe et floue dans son identité, plus l'adolescence est longue et potentiellement conflictuelle. La mise en avant de l'individu en sacrifiant la communauté enferme le jeune dans une recherche de bonheur individuelle qui risque de trouver des solutions immédiates pour combler le manque et provoquer le plaisir tant espéré. 

Les derniers chiffres communiqués par l’équipe d’intervention sociale du Canton de Vaud, sur la consommation d’alcool et du cannabis à l’adolescence ne démentent pas cette tendance. Il est primordial de rappeler que la consommation de cannabis est interdite à tout âge. Considéré comme substance perturbatrice, sa consommation altère les perceptions et les processus cognitifs nécessaires au développement et à l’apprentissage scolaire. De plus cela crée une dépendance psychique qui finit par fausser le rapport avec la réalité externe. Au-delà des symptômes physiques, le cannabis modifie l’état de conscience, alterne les instabilités d’humeur basculant entre euphorie et calme apparent. Sa consommation accélère les troubles de l’attention, de la mémoire et de la concentration.

Suite à une étude nationale menée en Suisse, concernant des élèves de 9ème à 12ème H et regroupant environ 10'000 jeunes dans des établissements sélectionnés au hasard, il en résulte que 12% consomment à un rythme mensuel sur une moyenne d’âge de 15 ans ; 53% avouent consommer de l’alcool au moins une fois par semaine. L’âge moyen de la première ivresse est de 15.5 ans qui se banalise dès 16-17 ans. L’usage festif est le plus fréquent et peut déboucher à un usage régulier. Plus qu’un phénomène de société, la consommation doit faire l’objet d’un programme de responsabilisation engagé de la part de l’école et d’une surveillance accrue de la part des parents. Une banalisation ou une dramatisation risquent de conduire le jeune à un décrochage scolaire et une perte d’identité profonde. 

Le Collège Champittet affiche une tolérance zéro face à la consommation de toute substance illicite et invite régulièrement des intervenants externes de prévention et de sensibilisation aux effets souvent irrémédiables. Un programme d’accompagnement est mis sur pied en cas de vulnérabilité et un appel à une collaboration étroite avec les familles est requis. Les adultes responsables doivent unir leur force et leurs compétences pour éviter aux jeunes de glisser et de s’y perdre. Parmi les éléments de repérage à identifier se trouvent le taux d’absentéisme, la baisse des résultats scolaires, les retards et le désinvestissement. En famille, un changement dans les sorties, le non-respect fréquent des heures de rentrées ainsi qu’une gestion aléatoire de l’argent sont à surveiller. En somme, le danger qui peut guetter nos jeunes les emmènerait à une démotivation, une apathie, des angoisses qui peuvent aller jusqu’à l’isolement. En dépit des difficultés, il est primordial de présenter au jeune les points forts qui peuvent être mobilisés pour améliorer sa vie. 

Consacrer du temps à l’adolescent est indispensable, répondre à sa soif de comprendre et de se trouver ne peut que l’aider dans sa recherche à donner du sens à sa vie. Finalement, le besoin ultime est celui de la transcendance qui est lié à un dépassement de soi et à une recherche d’une forme absolue de la beauté et de la vérité. Afin que l’adulte puisse être à la hauteur, doit-il encore avoir trouvé une cohérence de vie et une résilience face aux obstacles que la vie peut présenter.  

Grandir c’est finalement un parcours certes individuel mais qui ne peut s’accomplir sans la présence d’adultes aimants, fermes et cohérents. Le jeune saura ainsi dépasser ses peurs et trouver une joie intérieure au-delà du processus mouvementé de l’adolescence. 

 

Maria Zufferey, Responsable vie scolaire, Responsable protection de l’enfant